jueves, 27 de diciembre de 2012

IV. ESPEJO, précurseur de l’Indépendance de l’Équateur. Agent et propagateur dans son pays de l’influence intellectuelle et politique française (1747-1795) **

 
Les troubles politiques survenus l’année suivante dans ce pays où le corps électoral, dupé, a voulu cesser de l’être ont sans doute empêché jusqu’à ce jour la mise à jour du Tome IV, ainsi annoncée il y a sept ans. Ils n’ont trouvé leur solution que par le coup d’État du 15 juillet 1925 suivi, neuf mois plus tard, par l’avènement de M. le Dr Isidro Ayora, l’éminent chef de l’État, depuis le 1er avril 1926, d’abord en vertu de l’acclamation générale ratifiée en octobre 1928 par un vote régulier du Congrès et que les événements ont amené à donner sa démission fin septembre 1931 après plus de cinq ans d’une administration probe et éclairée.
 
Quant à l’œuvre d’Espejo, espérons que la publication attendue, du Tome IV, ne va pas tarder désormais.
 
M. Jacinto Jijón, possesseur d’une des plus vastes fortunes de son pays (grand propriétaire et grand industriel: tissages de laine et de coton, fabrique de tapis de haute laine, sucreries, fabrique de boutons de corozo, etc.) est en même temps un mécène des plus éclairés, un haut protecteur des lettres et des arts de son pays. La plus belle bibliothèque de l’Équateur a été créée et organisée par ses soins dans sa magnifique résidence de la Circasiana, aux portes de Quito Sta Clara). Dans le parc a été construit et installé, de la façon la plus méthodique, la mieux entendue, un musée préhistorique et historique des plus remarquables.
 
M. Jacinto Jijón, parlant admirablement notre langue est bien connu à Paris, où il fait de fréquents séjours, où il compte de nombreux amis, ainsi que son élégante épouse, si distinguée, petite-fille du Président Flores, fondateur et premier Président de la République (1830), arrière-petite-fille du Général Flores (1889-184), Président à son tour, après avoir été Ministre à Paris.
 
Membre de la Société des Américanistes de Paris, M. Jacinto Jijón a donné l’hiver dernier, dans ce centre, de savantes études et de relations choisies, une conférence forte intéressante sur l’art précolombien.
 
Chacun sait que l’âme de cette Société n’est autre que notre compatriote M. le Dr Paul Rivet, professeur au Collège de France, un des maîtres de l’ethnographie moderne. En 1901-1905, le Dr Paul Rivet, comme médecin de notre armée a accompagné en Équateur la mission géodésique militaire française qui, en 1899, est venue reprendre, à cent soixante-cinq ans de distance, l’œuvre des Académiciens La Condamine, Bouguer et Godin pour la mesure d’un arc de méridien équatorial.
 
Ceux-ci avaient quitté l’Audience de Quito trois ans avant la naissance d’Espejo et nous avons vu que le Précurseur était mort le 26 ou le 27 décembre 1795, soit cinq ans tout juste avant l’arrivée dans son pays d’Alexandre Humboldt et de Bompland.
 
À tous les points de vue, Espejo est donc bien le trait d’union entre l’Ancien et le Nouveau Régime en Équateur, en même temps que le promoteur et le principal agent (dans le domaine psychologique) de cette transformation fondamentale, de cette greffe morale opérée par l’introduction, dans sa patrie et ses voisines, dans les Andes, de la pensée philosophique européenne de son temps.
 
Sa vie est comme encadrée entre deux missions scientifiques venues du dehors. L’une française, à certains égards franco-espagnole 1736-1744, celle des Académiciens La Condamine, Bouguer, accompagnés des jeunes lieutenants de vaisseau Juan Ulloa et Jorge Juan venues pour mesurer un arc de méridien équatorial de trois degrés. L’autre d’exploration géographique et d’histoire naturelle (1802-1804) conduite par Alexandre de Humboldt, allemand de Berlin, entièrement acquis aux idées nouvelles, accompagné par le français Bompland.
 
Au moment de clore ces quelques pages consacrées à l’un des hommes qui ont le plus fait pour rénover et régénérer sa nation, pour la restituer dans son indépendance native ou pour mieux dire pour l’amener à se rendre capable de se gouverner elle-même, et de profiter de tous les bienfaits de la civilisation, c’est pour moi un devoir élémentaire, de nommer spécialement mon éminent ami M. Gonzalo Zaldumbide, actuellement Chancelier, c’est-à-dire Ministre des Relations extérieures de son pays.
 
Au moment de regagner l’année dernière l’Équateur, sa patrie, qu’il venait de représenter avec tant de distinction comme Ministre à Paris, pendant plusieurs années, ce diplomate accomplit, doublé d’un fin lettré, maniant notre langue avec autant d’élégance que la sienne propre, ne s’est pas contenté, au cours de conversations rapides, de me communiquer les aperçus que lui avaient suggérés les écrits du médecin Quiténien, dit Espejo, bien qu’il fut, comme nous l’avons vu, fils de Chuhzig, de Cajabamba. Il a bien voulu me prêter le troisième tome des œuvres jusqu’à présent publiées de cet auteur qui a cru aux thèses qu’il soutenait, a vécu et même est mort pour elle.
 
Les écrits contenus dans les deux premiers volumes que je possédais, demeuraient somme toute, trop incomplets et ne m’auraient pas permis de mener à bien une étude sur le Précurseur, même un simple essai comme celui-ci.
 
Qu’il me soit permis de présenter ici à M. Gonzalo Zaldumbide, avec mes biens vifs remerciements mes vœux sincères de le retrouver un jour en France avec la si gracieuse Mme G. Zaldumbide, qui cultive les beaux arts et spécialement la musique avec non moins de succès que son mari, les lettres et l’art de la diplomatie, dans ses fonctions actuelles de Ministre de l’Équateur à Washington.
 
En présence de cette énumération variée et sûrement incomplète puisqu’un tome entier reste encore à publier, en fin de compte, se dira, sans doute, le lecteur, notre auteur a été avant tout, surtout un polygraphe: histoire, théologie, littérature, médecine, politique (avant la lettre, il faut le reconnaître, car, au XVIIIe siècle, le mot politique n’avait guère de sens à l’intérieur des colonies de la couronne espagnole).
 
Il se peut. Mais la justice oblige d’ajouter: un polygraphe animé, inspiré par une haute pensée, par un idéal supérieur qui coordonne les sujets, introduit et maintient un principe d’unité dans des écrits en apparence si divers.
 
Cette pensée, ce haut idéal, le lecteur à coup sûr, les distingue de lui-même. Il s’agit, autant que de l’émancipation politique, de l’émancipation intellectuelle, spirituelle, morale, condition de la première.
 
Le Précurseur eût sans aucun doute, applaudi à la conclusion donnée, en 1867, par Charles Renouvier, à son essai profond sur l’Infini, la Substance et la Liberté, conclusion que l’éminent philosophe néocriticiste formule ainsi:
 
«Tels sont les philosophes, tels sont les hommes. Au fait, ils ne s’estiment pas réellement libres; ils se croient presque tous et partout des produits de la nature et de la destinée… Comment pourraient-ils se donner la liberté politique avant de s’inspirer de la liberté morale; ou de bonnes lois plutôt que des doctrines vraies? Le jour où ils possèderaient la liberté première, qu’on ne possède bien qu’en en ayant bien conscience, ils auraient en même temps ce qu’il faut pour acquérir les autres libertés; et aussi ce qu’il faut pour les respecter, car ils seraient pénétrés du sentiment de la responsabilité qui pèse sur eux, sur leurs actes, leurs pensées, leurs croyances. Ce jour-là, si ce jour arrivait jamais, on verrait une grande révolution dans les âmes, ensuite dans les faits. Elle ne coûterait ni du sang, ni des larmes. Et le théâtre de la Terre serait changé. La Terre serait vraiment habitée par des hommes».
 
Ou nous nous trompons fort, ou c’était là le sens sublime qu’Espejo, le Précurseur, attachait à la prière magnifiquement inspirée que la tradition d’Israël a léguée à l’Église chrétienne.
 
Trois ans à peine après que Renouvier eut ainsi exprimé son rêve, éclatait la guerre de 1870, près d’un demi-siècle plus tard, de l’effroyable cataclysme de 1914-1918, les véritables années terribles.
 
Plus que jamais, l’humanité à notre époque, paraît avoir intérêt, devoir trouver profit à méditer les paroles du philosophe de la liberté, dont le génie ne doit pas apparaître seulement, en statues même pleines de mouvement et d’harmonie, j’allais écrire «d’envol», sur les places publiques, mais habiter et vivre dans les cœurs des citoyens.
 
Et pour les nations plus encore que pour les individus, le terme de «liberté» ne signifie-t-il pas avant tout, et par-dessus-tout, autonomie!
 
Le Vésinet, 18 mars 1931.
 
Sans doute, me suis-je avancé un peu trop en énonçant, plus haut, que Francisco Espejo était resté jusqu’à présent totalement ignoré en Europe. La docte et méthodique Allemagne pourrait me donner un démenti à cet égard. En effet, en 1922 ou 1923, la bibliothèque Nationale, dans la Capitale de l’Équateur a reçu, de Berlin, une circulaire nominativement adressée «Al Sr. Dn Francisco Xavier Espejo, Director de la biblioteca Pública, San Francisco de Quito».
 
C’est sans doute grâce à la mission d’Alexandre de Humboldt-Bompland que la renommée du Précurseur a jadis franchi les mers dans la direction de la Prusse, de la Saxe, de la Bavière, du Hanovre, du Wurtemberg ou de Bade.
 
Qui niera le soin méticuleux apporté par les bibliothèques d’Outre-Rhin à l’établissement de leurs fiches de correspondants!
 
Au moment de mettre sous presse (février 1932), notre érudit ami M. J. M. Velasco Ibarra nous offre un exemplaire d’un écrit de plus de Espejo: Reflexiones sobre el contagio y transmisión de las viruelas por el Doctor Francisco Xavier Eugenio de Santa Cruz y Espejo.
 
Ouvrage jusqu’alors inédit. –Non, quoi qu’en dise l’édition de 1930, écrit remarquable au double point de vue scientifique (aperçus avant coureurs de la théorie des microbes) et politique (à quatre ou cinq reprises différentes, l’auteur déclare qu’il faut savoir défendre les intérêts supérieurs de la République, énoncés en toutes lettres), a été publié ou réimprimé d’abord en 1895 par la Academia Ecuatoriana de la Lengua, en 1912, par Mgr González Suárez, Archevêque de Quito pour compte du Conseil municipal. T. II pp. 343-520. Seules les pp. 1 à 16 de l’édition de 1930 (pet. In-4°) sont inédites: appréciations contemporaines d’Espejo favorables à son mémoire imprimé, peut-être, dès 1786 à Madrid avec un rapport du Dr Gil.
 
Ces appréciations ne manquent d’ailleurs pas d’intérêt au double point de vue historique et psychologique. Par exemple on y voit le Fr. Joseph de los Ríos, de la Merci, sans rancune pour l’ironie déployée contre son ordre dans la Ciencia Blancardina féliciter vivement Espejo pour les lumières abondantes qu’il a répandues, au bénéfice du public, dans ses Reflexiones sobrela utilidad importancia… de un método seguro para preservar a los pueblos de viruelas.
 
L’écrit remonte à coup sûr au mois d’octobre 1785, présenté le 11 novembre au «Chapitre» Municipal de Quito. Il a été dédié au Roi par l’intermédiaire du Secrétaire du Conseil des Indes à Madrid, Marquis de la Sonora, avec lequel Espejo paraît eu avoir eu dès 1787 de sérieux démêlés, (cf pp. 77, 94, 118-131, 133-134).
 
D’ailleurs le Précurseur ne semble pas, en ce cas, agir de façon spontanée. La dédicace du Traité dont nous parlons semble n’avoir été écrite que sur le conseil d’un ami: Juan Montúfar, qui, le 18 novembre 1785, transmit le manuscrit à Madrid.
 
Enfin que le lecteur me permette ici un rapide retour en arrière, un bref aperçu destiné à mieux montrer comment nos succès militaires de 1794 n’ont pas seulement exalté les âmes des patriotes en France, mieux se sont répercutées jusqu’au fond des Andes, jusque dans l’âme des Précurseurs.
 
«Ceux qui ont toujours pensé que la nation française ne serait libre qu’après avoir gagné des batailles ne se sont point trompés. Les ennemis du système de la Liberté française sont d’une joie et d’une activité qui feraient croire que le Cunstator Leopold était encore plus leur ennemi que celui des Jacobins». Correspondance de Cologne, 16 mars 1792. Gazette Nationale ou Moniteur Universel, 24 mars. N° 84.
 
Il faut avouer que le correspondant de l’illustre quotidien qui débutait alors, et ceux qui l’ont inspiré se sont montrés doués d’un singulier don de prophétie en formulant cette observation. En tout cas, il convient de l’avoir constamment présente à l’esprit si l’on veut comprendre les événements de la politique tant intérieure qu’extérieure de la Révolution française.
 
C’est ce que nous avons indiqué plus haut, notamment pp. 105 et 132.
 
C’était là du reste la pure doctrine girondine, telle que Brissot l’a révélée aux Jacobins le 12 septembre 1791 en soutenant que la guerre était nécessaire pour consolider la Liberté. Bientôt le roi Louis XVI dut lui-même s’y ranger. En effet, le 20 avril 1792, il se rendit à la Législative et y fit lire en sa présence, le rapport de Dumouriez au Conseil sur la nécessité de déclarer la guerre. La délibération fut courte, car il n’y avait qu’un avis (29).
 
Les succès de nos armes à Valmy et à Jemmapes d’abord en 1792, puis à Fleurus, à Toulon, au Boulou en 1794 ont incontestablement contribué de la façon la plus efficace à la force et à la vertu d’expansion des principes de 1789. Les tentatives prématurées des Nariño à Bogota, août 1794, Espejo à Quito, octobre de la même année, en sont autant de preuves peu connues en France jusqu’à présent, patentes cependant pour qui veut y réfléchir un instant. Nous espérons pouvoir le démontrer à posteriori par la publication de lettres écrites du Roussillon Mai 1794 à Cadix pour annoncer et commenter la victoire de Dugommier au Boulou (1er mai).
 
Par leur intuition, leur inspiration et pour tout dire leur foi républicaine, les poètes de l’époque à Paris ne s’y sont pas trompés. Ils ignoraient la fermentation des esprits au cœur des Andes, encore plus les événements qui se préparaient ou s’accomplissaient là-bas. Nous n’en voyons pas moins un M. J. Chénier composer en juin ou juillet 1794 les strophes suivantes, dans un hymne à l’Être Suprême:
 
«À venger les humains la France est consacrée.
Sois toujours l’allié du peuple souverain;
Et que la république, immortelle, adorée,
Écrase les trônes d’airain.
 
Longtemps environné de volcans et d’abîmes,
Que l’Hercule français terrassant ses rivaux,
Debout sur les débris des tyrans et des crimes,
Jouisse enfin de ses travaux.
 
Que notre Liberté, planant sur les Deux-Mondes,
Au-delà des deux mers guidant nos étendards;
Fasse à jamais fleurir, sous les palmes fécondes,
Les vertus, les lois et les arts».
 
La même année, un autre aède, Coupigny, a composé le chant d’une esclave affranchie par le décret de la Convention Nationale, sur le berceau de son fils. En voici la stance finale:
 
«Dieu puissant! à l’Amérique
Ta main donna des vengeurs;
Répands sur la République
Tes immortelles faveurs;
Fais dans les deux hémisphères
Que ses appuis triomphants,
Forment un peuple de frères,
Puisqu’ils sont tous tes enfants!».
 
Une semblable pensée se retrouve dans une strophe tirée d’un chant du 10 août; de J.M. Chénier. Nous ne saurions la donner comme un modèle achevé de lyrisme, elle n’en exprime pas moins de façon très directe un sentiment qui animait la plupart des cœurs français à cette époque: le lecteur en jugera.
 
«Trois guerriers, à voix basse:
Ô nuit paisible, nuit profonde,
Entends nos vœux, arme nos bras;
C’est pour la liberté du monde
 
Que nous préparons des combats.
Demain nous sauverons l’empire,
 
Priez, femmes, vieillards, enfants,
Demain, le Louvre où l’on conspire
Entendra ces cris triomphants
 
Refrain
 
Jour de Liberté, jour de gloire,
Qui du peuple as fondé les droits,
Vingt siècles étonnés chanteront la victoire».
 
Que ces sentiments ne fussent pas exempts de chimère nées en partie de certaines ignorances, nous n’en discuterons pas. La liberté politique existait dans ce monde avant 1789. En Angleterre, en Hollande, en Suisse et en Islande… Il y avait alors plus de vingt ans que Franklin aux États-Unis, avait arraché la foudre au ciel et le sceptre aux tyrans.
 
Cet esprit, constatons-le donc une fois de plus, après tant d’autres, n’était, ne pouvait pas être, le monopole d’un continent, encore moins d’une nation.
 
N’oublions pas par exemple la formule par laquelle les Pairs d’Aragon notifiaient son élection à celui d’entre eux qu’ils avaient choisi pour souverain: «Nous qui, chacun pris à part, valons autant que vous et qui, réunis, valons plus que vous, nous vous faisons roi, si vous l’admettez ainsi; sinon, non».
 
Pourtant, ces mêmes sentiments des républicains français de l’an III et de l’an IV, ne représentaient pas de pures illusions. Qui sauraient le nier, cent- vingt ou cent quarante ans plus tard
 
Les vers plus haut cités ne brillent pas sans doute par une très grande originalité de forme. Leurs auteurs n’en ont pas moins entrevu et fait entrevoir l’avenir. Par là, peut-on dire, ils ont bien rempli leur rôle de poètes, puisqu’au sens primitif, le terme était l’équivalent de celui de aède, de prophète.
 

L’Inquisition et le régime de l’Index dans l’Amérique du Sud Espagnole.
 
Dans l’ancienne Nouvelle Grenade, aujourd’hui République de Colombie, l’Inquisition paraît s’être exercée dans des conditions moins rigoureuses qu’ailleurs, par exemple, au Pérou où elle fut représentée par un Tribunal, dès le milieu du XVIe siècle.
 
Elle ne paraît du reste n’avoir pas été régulièrement organisée, en juridiction à part, dans le reste des possessions de la Couronne de Castille, en Amérique, le Mexique et la Colombie excepté.
 
Or dans ce pays, où les Espagnols débarquèrent, à Santa Marta, dès le début du XVIe siècle, l’institution rendue célèbre par les St-Dominique et les Torquemada a duré, en tout, deux cents ans.
 
Son Tribunal n’a pas été installé avant 1620 à Carthagène des Indes (fondée en 1525), avec succursales à Santa-Fé, Antioquia, et quelques autres cités. Il a été définitivement supprimé en 1820 lorsque le drapeau de la Monarchie a fait place, une fois pour toutes, à celui de l’Indépendance.
 
Or durant ce laps de temps, le dit Tribunal a prononcé, en tout et pour tout, trois condamnations à mort, dont une s’appliquait à un prêtre. L’intolérance ne paraît donc pas avoir été le motif prédominant de ses décisions, de son action. Ce qui ne veut pas dire assurément que l’existence de cette juridiction ait été parfaitement conciliable avec la liberté de conscience. Il est avéré, par exemple, qu’en même temps que Nariño un jeune étudiant, en relation avec le Précurseur, fut arrêté et soumis à la question, mais en vain d’ailleurs, afin de lui arracher quelque charge contre le Trésorier des Dîmes, traducteur de la Déclaration des Droits.
 
Constamment nous rencontrons sous la plume des précurseurs sud-américains et de leurs amis, des plaintes contre la tyrannie à laquelle étaient soumis les «vassaux», c’était le terme consacré, des possessions espagnoles d’outre-mer.
 
Que faut-il penser de cette manière de voir de ces protestations indignées?
 
Il est certain qu’à s’en tenir, comme il convient, aux documents du temps, sans faire intervenir de notions, d’opinions, de textes postérieurs, la liberté de conscience n’existait pas, était même considérée, de la part des autorités, comme un non sens inadmissible dans l’héritage de Philippe II.
 
À cet égard, pour nous donner une idée du régime d’autrefois, contre lequel certains esprits, les Espejo et les Nariño, les Miranda et les Henríquez, commencèrent à vouloir réagir, vers la fin du XVIIIe siècle, dans les Vice-Royautés et Audiences, nous ne saurions, concernant en particulier l’Inquisition et l’Index de 1790, véritable prototype, des éditions de 1844 et de 1929, nous fier à un guide plus sûr, plus impartial que F. Depons. Celui-ci, ex-agent au Gouvernement français à Caracas, est l’auteur d’un «Voyage à la partie Orientale de la Terre Ferme» , publiée en 1806 à Paris, et sans doute trop oublié aujourd’hui, du moins en France.
 
Voici par exemple ce que nous apprend ce voyageur-écrivain:
 
«On peut diviser les livres sur lesquels la sainte inquisition exerce son autorité, en livres corrigés, qui deviennent nationaux; en livres défendus, qu’on peut lire moyennant la permission; et en livres proscrits qu’on ne peut lire sans une permission spéciale.
 
Les ouvrages française condamnés à une proscription absolue, sont: le Nouvel Abeilard; l’Académie des Damnes; l’An deux mille quatre cent quarante; la Philosophie du bon sens; le Discours de l’Empereur Julien contre les chrétiens; les Maximes politiques de Paul III; le Dictionnaire de Bayle; la Théologie portative de l’Abbé Bernier; la Continuation de l’Histoire Universelle de Bossuet; la Théorie des lois criminelles, de Brissot de Warville; les Cérémonies et Coutumes religieuses; les six derniers volumes du Cours d’étude, de Condillac; les Dialogues tirés du Monialisme; le Traité des Vertus et des Récompenses; les Erreurs instructives; le Journal du règne d’Henri IV, roi de France; le Philosophe militaire, le Génie de Montesquieu; l’Histoire littéraire des Troubadours; l’Histoire philosophique et politique, de l’abbé Raynal; Bélisaire, de Marmontel; Mémoires et aventures d’un homme de qualité; De la Nature, par Robinet; les Recherches sur les Américains; le Système de la Nature; le Système social; les Œuvres de Voltaire; les Œuvres de Rousseau; l’Essai sur l’Histoire Universelle, par Jean d’Antimoine; l’Histoire du Prince Basile; l’Histoire et la Vie d’Aretin; les Moments de la vie privée des Douze Césars, etc., etc…
 
Dans la quatrième édition de son Dictionnaire (1762), l’Académie Française ne se contente pas de définir l’Inquisition, elle ajoute: «heureusement, elle n’existe pas en France». Sans doute, mais un rôle sensiblement analogue à celui du Saint-Office était dévolu à la Sorbonne et aux Parlements. (Cf. 9e Discours de l’A. Fleury, p. 64).
 
En 1624, la première, par l’organe de la Faculté de Théologie, interdisait, sous peine de la vie, de contredire Aristote. En 1619, le Parlement de Toulouse fit, après supplice, exécuter Vanin (Vanini), qualifié de Prince des Athées. En 1781, celui de Paris condamna les livres de l’Abbé Raynal. Celui-ci ne paraît pas du reste avoir autrement pâti de la sentence. Il continua d’appartenir à l’Académie de Lyon où il fonda lui-même, en 1783, un prix qui fut disputé, sans succès d’ailleurs, en 1791 par le lieutenant Bonaparte, retour de Corse, cf. p. 145.
 
Mais revenons à Depons.
 
Celui-ci nous expose que ce fut le 30 juin 1640 que pour la première fois fut rendu en Espagne, un mandement signalant aux fidèles les livres réprouvés par l’Inquisition. Ce mandement émanait de l’Inquisiteur général Antoine de Sotomayor. La liste se réduisait aux ouvrages d’Aecolampadius, de Luther, d’Erasme, de Pélican, de Zwinglius, de Munster, de Castalius, etc… condamnés tant pour leurs ouvrages que pour les altérations faites à l’Écriture Sainte.
 
Cependant, dès 1546, l’Université de Louvain, sur l’ordre de Charles Quint, publie un catalogue des livres dont la lecture était prohibée. En 1557 fut établie, par le Pape Paul IV, la Congrégation de l’Index.
 
Ce n’est toutefois qu’en 1789 que l’institution reçut son plein développement. Le 26 décembre de cette année, en réponse sans doute à la Déclaration des Droits, condamnée, l’Inquisiteur général Augustín Rubén de Ceballos ordonna l’impression d’un nouveau catalogue plus exact que les antérieurs, et avec la distinction des ouvrages corrigés, défendus ou proscrits.
 
«Rien ne donne mieux la mesure du zèle de l’Inquisition, dit Depons, que le nombre d’auteurs et d’ouvrages qu’elle a condamnés depuis deux siècles. Dans le catalogue des livres prohibés, imprimé en 1790, on trouve les noms et surnoms de cinq mille quatre cent vingt auteurs réprouvés par le tribunal, sans compter l’immensité de productions anonymes qui ont subi le même sort.
 
L’Espagne est si attentive à conserver, dans toute leur pureté, ses principes religieux et politiques, qu’elle repousse de son sein tout ce qui peut leur porter atteinte. L’Inquisition a apposé à cet effet le sceau de sa réprobation, non seulement sur les ouvrages de Servet, de Bayle, de Voltaire, de Rousseau, de Raynal, et de tous ceux qui ont écrit pour défendre la doctrine de Mahomet, de Luther, de Calvin; mais encore sur les productions de l’Abbé Racine, de Massillon, de Morvillers, de Fleury, d’Addison, d’Arnaud, du Marquis d’Argenson, de Beccaria, de Marmontel pour son Bélisaire, de l’Abbé Bernier, du Baron de Biefeld, du comte de Bonneval, de Bosinet, de Nicolas Boileau Despréaux, de Tycho Brahé, de La Fontaine, de La Bruyère, de Burlamaqui, de Ganganelli, de Condillac, de Montesquieu, de Robinson Crusoé, de Désormaux, de Lacombe, de Prezel, de Lacroix de Compiègne, de Diderot, d’Helvétius, de Fontenelle, de Dufrêne, de Francheville pour le Siècle de Louis XIV, de Hubner, de Hume, du Compte d’Oxenstirn, de Puddendorf, de Robert pour sa Géographie Universelle, de Vatel, de Filangieri, de Millot, de l’abbé de Mably, de Dupaty pour ses Lettres sur l’Italie, de Fénelon, etc… ».
 
Les informations si intéressantes, uniques jusqu’à présent, publiées à diverses reprises, en décembre 1930, par le Temps, concernant l’Index ne donnent-elles pas comme un regain d’actualité aux indications ainsi présentées par ce «chargé de mission» du Consulat dans la capitainerie de Caracas, alors à la veille de proclamer son indépendance et de se transformer (1821-1830) en portion de la grande Colombie d’abord, puis en République fédérative du Venezuela.
 
Au moment où Depons écrivait, Bolívar venait d’avoir vingt ans. Après avoir décliné d’assister au Sacre de Napoléon le 2 décembre 1804 à Notre Dame, le futur Libérateur avait été témoin, à Milan, le 26 mai 1805, de l’imposition de la Couronne de fer à l’Empereur, Roi d’Italie, puis il avait continué son voyage en Italie en compagnie de son ancien précepteur Simón Rodríguez.
 
Dans le même chapitre IV de son livre, Depons nous entretient des tribunaux ecclésiastiques, des Chapitres, du mérite des premiers missionnaires du «refroidissement de ce premier zèle»: le manque de zèle, la tiédeur ne sont pas les seuls défauts qu’on puisse faire aux missionnaires modernes».
 
Le plus piquant, à propos de cet ouvrage, écrit en toute indépendance, sans parti pris aucun, c’est qu’il se présente, en quelque sorte, sous les auspices de l’Évêque de Caracas. Celui-ci, en effet, dans une lettre du 29 mai 1804, reproduite dans l’Introduction, écrivait à l’auteur:
 
«…Je dois naturellement être sensible à l’absence et à l’éloignement d’une personne respectable qui, par ses lumières supérieures, sa conduite religieuse et chrétienne, ses opinions civiles et politiques et cet ensemble de qualités dont elle est ornée, a su se concilier l’estime de tout ce qu’il y a de plus distingué dans le pays».
 
Un peu plus loin dans le même morceau, l’auteur considère «la juridiction des tribunaux de l’Inquisition comme beaucoup plus limitée et plus douce qu’elle ne l’était jadis». Sans doute, tout est relatif; l’assertion n’est pas sans renfermer une part de vérité. Cependant elle montre bien que son auteur en parlait à son aise. En tout cas il ignorait le procès criminel intenté en août 1794 à Nariño et à l’imprimeur Diego Espinosa, coupables de ce forfait: avoir clandestinement mis sous presse une traduction de la Déclaration des Droit de l’Homme!
 
Au début de la procédure, la torture fut employée contre un jeune étudiant de 20 ans, Durán, afin de le contraindre à des aveux que les magistrats (Oídores) d’ailleurs, n’obtinrent pas. Cependant, nous l’avons vu, durant les deux siècles de son existence (1620-1820), le Tribunal de l’Inquisition de Carthagène (représenté à Bogotá par un simple délégué) s’est montré relativement bénin.
 
Il n’en alla pas de même avec les autorités militaires espagnoles pendant la période des Guerres de l’Indépendance.
 
Impitoyables furent les répressions exercées par le «Pacificateur» Morillo, contre tous les républicains coupables de lutter –ne fut-ce que par les armes de l’esprit- , pour l’indépendance de leur patrie. C’est lui qui, en octobre 1816, au moment où il envoyait au peloton d’exécution à Bogotá, le savant Caldas, émule de La Condamine, non content de réprouver ceux qui intervenaient pour une mesure de grâce, invoquant les mérites incontestables du directeur de l’Observatoire de la ville, leur déclara froidement: «le Roi n’a pas besoin de savants!».Cette tragique réponse dont la réplique fait pendant, à vingt deux ans de distance, à l’atroce apostrophe opposée par Coffihnal aux instances en faveur de Lavoisier (8 mai 1794), n’est-elle pas là pour démontrer une fois de plus le fond commun de la nature humaine qui rattache entre elles les passions des hommes mortels, quelque soit la latitude, de côté comme de l’autre, des Pyrénées, de l’Atlantique?
 
Lavoisier, prévoyant sont arrêt, avait demandé un délai de 15 jours. «J’ai besoin de ce temps pour terminer des expériences nécessaires à un travail important, dont je m’occupe depuis plusieurs années. Je ne regretterais pas alors la vie. J’en ferai le sacrifice à ma Patrie». Mais Coffihnal, Vice-Président, qui présidait, lui fit cette réponse: la République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes; la Cour de Justice ne peut être suspendue (30).
 
Quant à Caldas, impitoyablement envoyé par Morillo au poteau d’exécution, en octobre 1816, c’était un savant astronome et géodésien, émule spontané des Bouguer, des La Condamine, des Humboldt. Ses calculs (1804), pour une nouvelle approximation de la longitude de Quito méritent encore la considération, l’estima des experts. Il était né à Popayán vers 1770. Son «Seminario de la Nueva Granada» (1807) a été réimprimé à Paris, en 1849.
 
Dans son livre, Fr. Depons a bien signalé l’abbé Fleury parmi les auteurs inscrits à l’Index (voir ci-dessus p. 144). Mais il ne désigne pas les ouvrages du Secrétaire de Bossuet qui ont été l’objet, de la part de la Sacrée Congrégation, de cette mesure de réprobation. En voici les titres:
 
1) 9e discours sur l’Église Gallicane (1679).
2) Catéchisme historique (traduit en espagnol)
3) Institution au droit ecclésiastique. Le discours sur les libertés de l’Église Gallicane avait été imprimée après la mort de l’auteur, nous dit l’abbé F.X. de Feller, dans son Dictionnaire Historique, avec des notes violentes et erronées, attribuées à Débonnaire. Ces notes provoquèrent un arrêt du Conseil, du 9 septembre 1723, pour supprimer l’écrit, il veut mettre le Discours à l’Index, par décret du 13 février 1729. Une édition résumée en fut donnée, en 1807, par M. Fleury, supérieur général de la Congrégation de Saint-Sulpice.
 
En général, dit encore l’abbé F.X. de Feller, Fleury ne fait pas aimer les pontifes. Aussi voit-on des personnes pieuses et éclairées craindre de recommander son Histoire aux jeunes gens ou aux femmes qui, prendraient trop au pied de la lettre des réflexions présentées souvent un peu crûment.
 
L’auteur du présent essai possède dans sa bibliothèque un exemplaire du Neuvième discours de M. l’abbé Fleury sur les Libertés de l’Église Gallicane.
 
Cet exemplaire, où figure, en tête, la signature de «Jacobus de la Bregue, presbiter», porte à l’encre, la mention: 1re édition avec notes de l’abbé Bonnaire. «Elle est sans lieu ni date, et fut supprimée par arrêt du Conseil. Les éditeurs qui ont ensuite publié ce discours en ont plus ou moins altéré le texte».
 
Simón Bolívar
 
Èpilogue
 
Post-scriptum
 
À quelle date exactement la première République a-t-elle été proclamée en France? (31)
 
NOTES:
 
(1) M. É Clavery ne l’a pas transcrite (note de C.L.)
 
(2) Ceci était écrit lorsqu’une circonstance quasi fortuite me fit rencontrer à l’étalage d’une librairie l’intéressant petit volume l’Esprit de M. Chiape, notre digne préfet de Police, dont M. de Joannis a recueilli et publié récemment les pensées, sous ce titre: Paroles d’ordre.
 
(3) Gauthiers-Villars 1908-1925, 14 volumes parus sur une trentaine que doit comprendre l’ouvrage, au total.
 
(4) En 1760 arriva à Bogota comme médecin du Vice-roi, Pedro Messía de la Zerda, le Dr José Celestino Mutis qui fut chargé de la chaire de Mathématiques au Colegio del Rosario, le savant, botaniste très distingué, étudia la flore colombienne et laissa sur elle de remarquables travaux. Après le Colegio Máximo del Rosario, Dominicains, ce fut le tour du «Colegio de San Bartolomé» (Jésuites), d’organiser des études médicales qui commencèrent en 1786 sous la direction de Francisco Antonio Zea.- Ricardo-Zapata, «Études médicales en Colombie» Revue Médicale, 25 octobre 1930. Publications de l’Académie Hispano Americana de Cadix. 1913-1920.
 
(5) Mgr González Suárez paraît oublier que parmi eux, dans la Constituante tout au moins, le nombre des prêtres les uns dignitaires de l’église, les autres simples desservants, séculiers ou religieux réguliers, était très grand.
 
(6) Ceci est en opposition si ce n’est en contradiction formelle avec ce que l’auteur signale plus haut, avec exactitude semble-t-il, sur le secret de l’instruction si l’on peut appeler ainsi le procédé d’accusation et de condamnation à tout prix employé contre Espejo.
 
(7) Escritos de Espejo T. I. p. 431.
 
(8) À propos de cet auteur; célèbre en son temps, nous devons à l’éminent Inspecteur général de l’Académie de Paris, M. Louis Benaerts, notre excellent ancien camarade à Condorcet, l’indication suivante: «Voici le petit renseignement que vous m’avez demandé au sujet d’une thèse de doctorat es-lettres sur la vie et les œuvres de l’abbé Claude Fleury, 1640-1723. L’auteur est M. Gagnère. La thèse a été soutenue le 22 avril 1925, avec M. Regnier, comme Président du Jury. Le candidat a obtenu la mention très honorable», 4 décembre 1930.
 
(9) 1685-1742. Ancien jésuite. Célèbre de son temps par ses polémiques littéraires avec Voltaire. Auteur d’une «Voltairomanie» 1738.
 
(10) Mémoire du Dr Don Pablo Herrera, équatorien.
 
(11) Ce vénérable bâtiment, où s’est déroulé une part, si intéressante du passé de l’Équateur, subsiste encore aujourd’hui. Soigneusement entretenu: il est toujours en service.
 
(12) Introduction aux Nouveaux Essais de l’Entendement humain de Leibnitz, Paris Delagrave 1899, p. 17.
 
(13) Nouvelle biographie générale.
 
(14) Cf. Mme Ernest Duvergier de Hauranne. Op. cit. pp. 113, 140,166, 192, 195 et passim.- P. Janet. Op. cit. p. 177: Carnot et la Convention ont créé la guerre moderne, celle des grandes masses et des grands mouvements. Par là ils ont vaincu des ennemis timides et routiniers, qui plus tard devaient retourner contre nous-mêmes l’arme terrible dont nous étions les inventeurs.- Louis Madelin: la Révolution, 1911, notamment les Chap. XVIII; pp. 208-217. Le Ministère Roland et la Déclaration de Guerre.- Le souffle patriotique dans le pays. La séance du 20 avril 1792: la guerre déclarée. La « guerre aux rois», et XXII. Valmy, pp. 262-265: « les Soldats de la Nation font reculer les soldats de Rosbach.- Ère Nouvelle».
 
(15) Cf. Ste- Beuve.Causerie du lundi, T. X., p. 200. Quelques philosophes ont imaginé que si l’homme après ses premiers mouvements, n’éprouvait pas de résistance dans les choses d’alentour, il arriverait à ne pas se distinguer d’avec le monde extérieur… Il dirait en toute confiance: «l’Univers c’est moi».
 
(16) Cf. Histoire populaire de la Révolution Française, par Mme Ernest Duvergier de Hauranne, Paris 1879, p. 5. P. Janet. Histoire de la Révolution, Paris 1889, p. 16.
 
(17) V. Histoire de l’Amérique méridionale. Républiques du Nouveau Monde. À Paris, chez Dauthereau, Grande cour du Palais, 1826, tome XXVI de la «Bibliothèque Économique». Cf. infra p. 117.
 
(18) V. dans les Causeries du Lundi T. III deux attachantes études sur Frédéric le Grand, politique et littéraire. Au sujet du régime de la presse, Ste Beuve y cite notamment un passage de la correspondance entre Frédéric et d’Alembert, où l’on voit clairement que le plus libéral des deux n’est pas celui qu’on pense.
 
(19) Reproduite en fac simile dans l’Histoire Universelle des Pays et des Peuples, en huit volumes. Éditions, A. Quillet, 1926-28.
 
(20) Voir José Gil Fortoul. Historia constitucional de Venezuela T. I, p. 132 et 55. Caracas 1930.
 
(21) Cf. Jules Garsou: La Belgique politique, principale contribution à l’important ouvrage La Belgique Centenaire (1830-1930) encyclopédie jubilaire publiée sous la direction de M. René Lyr. Bruxelles 1930.- Du même auteur: Alexandre Gendebien, grand in-8 vol. de 522 pages remarquable publication, ornée de nombreuses planches en héliotypie, consacrée au grand patriote libéral, l’un des trois signataires avec le Cte Félix de Mérode et Sylvain Vandewer, de l’Appel au Peuple, imprimé à Valenciennes, septembre 1830, lancé au cours de leur marche sur Bruxelles à la nouvelle de l’attaque hollandaise.
 
Les événements de l’Amérique du Sud, pendant la période de 1820-1830, ont apporté un indéniable encouragement aux partisans des idées libérales en Europe. Parmi les multiples preuves concrètes qu’on en pourrait donner, figure notamment un petit volume publie sans nom d’auteur, en 1826 chez Dauthereau Palais-Royal, sous ce titre: Histoire de l’Amérique Méridionale. Républiques du Nouveau Monde. On y trouve un résumé assez exact de la révolution de Quito, du rôle de Nariño en Colombie, des victoires de Bolívar et de ses lieutenants, de celles de San Martín, Artigas, etc.
 
Par une intuition véritablement prophétique, l’auteur anonyme annonce 63 ans à l’avance, la chute du Gouvernement monarchique au Brésil. Cf. Supra p. 109.
 
(22) La Vie Intellectuelle, 3e année, juillet, août 1930, p. 75.
 
(23) V; article publié en février 1930 par la Revue Ambassades et Consulats.
 
(24) Cité par le Papel Periódico Ilustrado. Bogotá 15 novembre 1881, p. 75.
 
(25) Cf. «Le Temps» du 18 mars 1931. Lettre d’Italie.
 
(26) Villalengua. Varios Escritos. T. I, p. XXXVIII.
 
(27) Historia de las ideas estéticas en España T. III. Madrid 1886.
 
(28) Au sens propre, sorte de hausse col.- Ainsi dès le titre apparaît l’esprit de dérision qui a inspiré cet écrit. Golilla est le diminutif de gola, plaque de métal en forme de croissant que portaient certains officiers d’infanterie quand ils étaient de service. La définition suivante empruntée au Dictionnaire de l’Académie Espagnole 1734, nous a paru propre à faire comprendre l’application que, l’esprit ironique, sarcastique d’Espejo a pu faire de ce terme, pour désigner, par une synecdoque hardie, le Président de l’Audience. Golilla, certain ornement de carton recouvert de taffetas ou d’autres étoffes qui entoure le cou et auquel est uni, dans la partie supérieure, un autre morceau qui tombe sous le menton et qui a des coins des deux côtés sur lequel on pose une fraise ou un collet plissé de gaze gommée ou amidonnée. Cette mode a été introduite il y a cent ans et aujourd’hui seulement la conservent les Magistrats à robe, les avocats, et les Aguazils, ainsi que quelques personnes privées.
 
(29) V. Dareste: Histoire de France, T. 7, pp. 315 et 326.
 
(30) D’après les procès-verbaux du tribunal, général, très sérieux. Wallon, Histoire du Tribunal Révolutionnaire. Hachette, 1881, T. III; pp. 398-400. Procès des fermiers généraux, 19 Floréal an II, 8 mai 1794. Obligeamment communiqué à l’auteur par M. Louis Madelin, de l’Académie française, l’éminent historien de Fouché, de la Révolution, de la Bataille de France… sans compter bien d’autres ouvrages de valeur dus à sa plume brillante et féconde.
 
(31) Cet essai sur Eugenio Espejo étant suffisamment long, nous avons décidé de ne pas transcrire ces différents points, car ils ne rapportent pas directement au Précurseur quiténien, mais à l’indépendance sud-américaine en général, (note de C.L.).
 
IV* (note de C.L.) Comme dans cette partie de l’essai, l’auteur n’indique pas les numéros antérieurs avec les titres respectifs, nous reproduisons ici la
 
TABLE DES MATIÈRES:
 
F.X. Espejo (1747-1795), Précurseur de l’Indépendance de l’Équateur:
 
- Don Francisco Xavier Espejo y de Santa Cruz, Précurseur de l’Indépendance de la République de l’Équateur, sous l’influence des idées françaises.
 
- Avertissement.
 
- Comment le Précurseur, malgré ses relations intellectuelles avec notre pays est resté jusqu’à présent entièrement inconnu en France. En dépit de certaines confusions, un article au nom de N. Espejo dans la Biographie Nouvelle des Contemporains (1822) (A) ne se rapporte pas au Précurseur équatorien, mais à un fils du Venezuela.
 
- Lettres de MM. de la Roncière, C. Oursel, etc…
 
- La vie et l’œuvre de Francisco Xavier Espejo:
 
I. Sa naissance, à Quito 1747. Ses origines andines ou presque exclusivement andines.
 
- Ses études 1758-1772 d’abord à l’Hôpital dirigé par les frères Béthlemistes, puis chez les Pères de la Merci, et les Dominicains. Docteur en médecine 1767. Licencié in utroque 1772.
 
II. ses œuvres, circulant sous forme de copies manuscrites, 1778-1780. Nuevo Luciano de Quito, Ciencia Blancardina.
 
III. 1780-1785. Influence des idées européennes, des livres, et particulièrement des livres français, sur l’esprit d’Espejo. Ses auteurs favoris, autant que Voltaire, Rousseau, Montesquieu: Descartes, Pascal, Boileau, Bossuet, l’abbé Claude Fleury, Rollin, etc.
 
IV. 1785-1788. Nouveaux écrits: le Portrait de Golilla, pamphlet contre le Marquis de la Sonora, Secrétaire du conseil des Indes, lui est attribué. Interné à Latacunga, puis à Quito1785. Obtient, 1788, de Madrid son transfert devant l’Audience de Santa Fé de Bogota. Celle-ci le renvoie, novembre 1789, dégagé de toute inculpation, entièrement libre, après plusieurs mois de résidence au siège de la Vice-Royauté- Comment ce séjour permit à Espejo d’entrer en contact direct, en relations secrètes avec Nariño et ses amis, partisans de l’Indépendance, dont l’ardeur s’animait aux échos qui, malgré toutes les précautions prises par les autorités espagnoles, leur parvenaient de la Révolution Française à ses débuts.
 
- De retour à Quito, fonde la Société économique des Amis du Pays. Nommé bibliothécaire de la première bibliothèque publique de la nation.
 
- Sermons écrits pour son frère en l’honneur de Santa Rosa de Lima, 1793, 1794. Traces des nouvelles des succès remportés par les armées françaises, notamment en Cerdagne, avril 1794 sous Dugommier (de la Guadeloupe). Ces victoires animent à San Francisco de Quito comme à Santa-Fé de Bogotá, le petit nombre de ceux qui aspirent à l’Indépendance.- Complots avortés, août 1794 Bogotá; Nariño, Quito octobre 1794; Quito, Espejo. Ce dernier arrêté, janvier 1795. Ses souffrances dans sa prison; sa fin 26 décembre 1795.
 
- Espejo, martyr et confesseur de sa foi dans les idées françaises, représentées dans son esprit, moins peut-être par les conceptions des Encyclopédistes que par celles des Descartes, des Pascal, Malebranche, abbé Claude Fleury, Rollin, etc…Comment l’écho des propos échangés Allée des Philosophes, au temps du Grand Roi à Versailles, s’est propagé, répercuté jusque dans les Andes équatoriales, au XVIIIe siècle, et notamment de 1775 à 1795.
 
V. Le Précurseur disparaît en tant qu’individu, dans sa personne transitoire; mais ses idées demeurent, recueillies par un certain nombre d’esprits éclairés, dans l’aristocratie, la bourgeoisie, les éléments populaires. Les partisans de l’indépendance encouragés par d’illustres voyageurs étrangers, les Humboldt et les Bompland lors de leur visite en Équateur (1800-1802).
 
VI. Nariño et Espejo: leurs vies, leurs sacrifices à la cause de l’idéal de Liberté. Réfutation de l’opinion d’après laquelle la Révolution française n’aurait eu qu’une influence secondaire sur l’Indépendance sud-américaine.
 
- Les Précurseurs, comme le Libérateur Bolívar, inspirés par les Droits de l’Homme et du Citoyen votés à Versailles, 26 août, proclamés le 6 octobre 1789, après leur signature par le roi Louis XVI.
 
VII. Retour à l’analyse des œuvres d’Espejo. Ciencia Blancardina. Conclusion: Prédilection du Précurseur pour les écrivains et savants français.
 
- Quelques mots sur la microbiologie en Équateur, à propos des idées médicales du Dr. Espejo.
 
- L’expédition philanthropique de la vaccine envoyée en Amérique du sud par Charles IV et son Ministre Godoy, le Prince de la Paix; départ de la Corogne, 30 novembre 1803.
 
- Intuition d’Espejo quant au rôle des insectes dans la propagation des maladies tropicales.
 
- Récapitulation des écrits d’Espejo imprimés jusqu’à ce jour.
 
- Tomes I et II édités 1910, t. III, édité 1923.
 
- L’Inquisition, à propos de l’Index, dans l’Amérique du sud espagnole.
 
- L’ouvrage de F. Depons, 1806.
 
- Modération du Tribunal de Carthagène des Indes, 1620-1820. Caractère relativement inoffensif de son rôle.
 
- Réaction, 1815-1819. Méconnaissance de la liberté de conscience, 1816. Répression exercées par le «Pacificateur» Morillo.
 
- Exécution de Caldas, à Santa-Fé de Bogotá, octobre 1816, mise en parallèle avec celle de Lavoisier, à Paris, 8 mai 1794.
 
- Simón Bolívar, le Libérateur. Coup d’œil sur sa vie, ses lettres, ses triomphes, qu’en deux occasions solennelles, -après Boyacá, 7 août 18189, après Ayacucho, 9 décembre 1824-, il déclare être ceux des Droits de l’Homme.
 
Épilogue. De quelques opinions récentes sur l’Indépendance sud-américaine et le Libérateur. M. Marius André. Influence des lettres anciennes. Ce sont les «humaniores litterae» qui ont donné aux Précurseurs, comme au Libérateur leur idéal.
 
Post-scriptum. Célébrations du Centenaire du Libérateur au Venezuela.
 
À quelle date exactement la première République a-t-elle été proclamée en France?
 
(A) V.T. VI p. 409, col. 2.- Cf. L. Humbert: Histoire du Venezuela et de la Colombie.
 
** Édouard Clavery Trois précurseurs de l’indépendance des démocraties sud-américaines: Miranda (1750-1816), Nariño (1765-1823), Espejo (1747-1795), 2° édition revue et augmentée; imprimerie Fernand Michel, Paris, 1932; pp. 65-172.
 

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